Structure de l’exposition

Le Parcours de l’exposition devra faire état du parcours des déserteurs eux-mêmes. La première partie sera donc consacrée au départ du Portugal salazariste et des théâtres d’opérations militaires en Afrique, jusqu’à leur arrivée à Paris. La deuxième section traitera de la vie d’exil des insoumis, réfractaires et déserteurs portugais dans la région parisienne. La dernière mettra en scène l’engagement de ces immigrés, à la fois politique et artistique, contre la guerre coloniale.

Un aller sans retour

Les guerres coloniales que le Portugal mena en Angola, au Mozambique et en Guinée se produisent dans un contexte bien particulier. Le pays vit alors sous le joug d’une dictature réactionnaire et ultra-catholique, dirigée par Antonio Salazar puis par Marcelo Caetano. Le régime qui ne sombrera que le 25 avril 1974, est le plus long du genre en Europe (1931-1974). Les libertés individuelles sont à cette époque très limitées et ceux qui refusent d’aller combattre dans les colonies sont considérés comme « des traîtres à la patrie » passibles d’emprisonnement, de torture, de bannissement. Ceux qui partent ont alors conscience que le voyage qui les attend sera un aller sans un retour possible.

La prise de conscience d’une génération

Le refus de faire la guerre coloniale revêt en fait de réalités très diverses. Néanmoins, on peut observer dans toutes les classes sociales une opposition croissante à la guerre et l’on assiste peu à peu à des départs de plus en plus fréquents. Des grandes universités aux villages reculés de l’intérieur du pays, en passant par les casernes et le front, des mouvements d’opposition à la guerre coloniale et une émigration massive s’installent durablement.

Le « salto »

A l’aide de passeurs, de membres de la famille ou par leurs propres moyens, les insoumis, réfractaires et déserteurs sont tous partis dans l’illégalité. Le passage clandestin des frontières est une expérience commune, que les portugais appelaient le « salto » (« le saut »). Le chemin le plus commun partait du Portugal, traversait l’Espagne et débouchait en France par la traversée des Pyrénées.

Un réseau international

Des réseaux internationaux étaient également à l’œuvre pour soutenir la désertion portugaise dans son ensemble. Des soldats portugais partaient du front en direction de la Guinée, du Maroc ou d’Alger où des organisations officielles ou informelles les accueillaient. Même la Cimade a été directement impliquée en 1961 dans l’exfiltration de nombreux étudiants africains du Portugal, qui deviendront d’importants leaders africains œuvrant pour l’indépendance de leurs pays.

Paris, capitale de l’immigration portugaise

Dans les années 60, Paris et sa région sont devenus la principale destination pour les immigrés portugais, y compris ceux qui fuient les guerres coloniales. Ils sont plus de 600 000 à arriver en France dans les années 60/70 et ils se fixent en grande partie dans la région parisienne. La presse française en parle de plus en plus, tant pour évoquer l’immigration clandestine que les conditions déplorables de logements des portugais en France. Le bidonville de Champigny sur Marne, peuplé presque uniquement d’immigrés portugais, atteindra une population de 15 000 habitants.

Les lieux de mémoire à Paris

Le nombre de lieux de mémoire spécifiques aux déserteurs portugais donnent à voir une cartographie subjective de cette immigration. Celle-ci permet d’appréhender le Paris tel qu’il a été réellement vécu. Les immigrés portugais sont visibles dans des fêtes, sur les chantiers, les marchés, les théâtres, etc… Au-delà de l’exposition en elle-même, le visiteur aura un accès à une application de cartographie pour smartphone qui permettra de localiser dans Paris ces différents lieux (créée grâce à l’application Guidigo).

Les réseaux parisiens de soutien à la désertion

Des français et des portugais vivant à Paris étaient organisés pour soutenir activement la désertion et la fin de la guerre coloniale. Cette section propose de s’arrêter sur ces structures, ces lieux et ces individus qui ont œuvré pour la fin du conflit et pour aider ceux qui le fuyaient.

L’engagement contre la guerre coloniale

Les guerres coloniales portugaises (1961-1975) c’est le Vietnam sur 3 fronts : Guinée Bissau, Angola et Mozambique. C’est le Napalm, les massacres racistes, les têtes coupées accrochées à l’entrée des villages africains qui soutenaient la guérilla. Ce sont également 1 millions de soldats mobilisés en 16 ans de guerre, au moins 100 000 morts, victimes civiles et militaires confondues, plus de 20 000 handicapés chez les militaires portugais, plus de 140 000 traumatisés à vie.

Un printemps portugais à Paris

De nombreux groupes politiques, plus ou moins formels, s’organisent à Paris. Engagés dans un militantisme de chaque instant, ils font éclore une multitude de titres de presse militante, culturelle et artistique. Ils s’investissent dans les associations portugaises en France et dynamisent toute une immigration en créant de la musique, du théâtre, des meetings, produisent de la littérature, du cinéma.

La chanson engagée portugaise est-elle née à Paris ?

La musique et particulièrement la chanson engagée sont les vecteurs culturels qui ont le plus exprimé la lutte contre la guerre coloniale et la désertion. De nombreux chanteurs habitent dans la région parisienne, composent, enregistre et diffuse leurs œuvres à Paris : Luis Cilia, José Mario Branco, Zeca Afonso (l’auteur de Grandola, Vila Morena), Sergio Godinho, Francisco Fanhais, Tino Flores… Ce courant musical a puisé ses influences à la fois dans la tradition populaire portugaise, dans la chanson française mais aussi dans les diverses influences musicales auxquelles ils ont accès dans la capitale française.