L’association Mémoire Vive / Memória Viva
En avril 2003, nous avons créé l’association Mémoire Vive/Memória Viva dont l’objectif est de « recueillir et transmettre la mémoire de l’immigration portugaise dans un esprit d’échange et d’ouverture ».
Pour avoir vécu l’immigration portugaise de l’intérieur, ou pour y être lié par la vie professionnelle ou privée, nous sommes tous intéressés à comprendre les conditions historiques, politiques, économiques et sociales qui entourent les phénomènes de l’émigration/immigration. L’immigration portugaise n’a pas de lieu qui témoigne de son histoire, des enjeux qui la traversent, des débats qui l’animent, des livres ou des images qui la racontent.
Plus de soixante ans se sont écoulés depuis le début de la plus grande émigration clandestine dans l’Europe de l’après-guerre : des hommes, des femmes fuyaient alors la misère, la dictature salazariste, les guerres coloniales. Des villages entiers se sont vidés dans le silence et la peur, des hommes ont déserté pour ne pas combattre en Afrique, des intellectuels, des artistes, des êtres épris de liberté de parole et d’action ont quitté, pour la majorité, clandestinement, leur pays. Or, très peu de choses existent sur cette histoire : départs, voyages, arrivées, réseaux professionnels, artistiques, politiques et affectifs tissés dans les pays d’accueil, vies nouvelles qui y furent et y sont bâties, retours…
Cette absence ou ce silence, donne lieu à bien des préjugés, des images statufiées, des incompréhensions, des refoulements, parfois des replis. Ainsi, réduire l’immigration portugaise à une immigration économique, de populations rurales semi-analphabètes comme c’est souvent le cas, en occulte la dimension politique : dictature, sous-développement et guerres coloniales ne sont-ils pas intimement, inextricablement liés dans l’exode des années 60 ? Le caractère massif de l’immigration portugaise illustre bien le « non » que l’émigrant oppose à toute forme de contraintes, de coercitions, d’avilissements.
C’est à partir de ce constat que nous avons imaginé la création du site internet « sudexpress.org » comme un lieu de transmission et de connaissance, en dialogue constant avec l’histoire des migrations d’hier et d’aujourd’hui, où des personnes (immigrés, enfants d’immigrés, témoins divers, chercheurs, artistes…) sont invités à construire, visiter ou revisiter cette histoire. Notre association se veut, en ce sens, un espace de témoignage mais aussi de dialogue, de recherche et de rencontre de l’Autre.
Nous nous sommes ensuite posé la question de la divulgation de ce travail de recueil. Nous avons organisé un ensemble d’événements (expositions, projections, conférences, débats…) ayant permis de diffuser, dans un esprit d’éducation populaire, la mémoire de cette immigration. Nous travaillons aujourd’hui à éditer et/ou divulguer des supports à des fins pédagogiques où d’expression sur les thématiques que nous défendons (livres, dvds, expositions…).
Enfin, nous organisons la création et la divulgation d’un fond d’archives sur l’immigration portugaise. Cela répond d’abord à une nécessité physique de préservation des documents comme à combler un vide injustifié des archives françaises et portugaises sur la question. De plus, l’idée est de stimuler la recherche sur ces thématiques comme de permettre au maximum de monde une consultation physique et multisupport (document, photographie, film…).
Lancement du fonds d’archives Mémoire Vive / Memória Viva le 19 juin 2017 à la BDIC. De gauche à droite, Vasco Martins, Albano Cordeiro, Ilda Nunes, Franck Veyron et Marie-Christine Volovitch-Tavares.
Un travail spécifique sur la désertion
L’association Mémoire Vive/Memória Viva mène depuis sa création une réflexion spécifique sur le rôle de la guerre coloniale portugaise et de l’immigration. Nous récoltons des témoignages et des documents d’archives, diffusons des films qui en parlent (« Le printemps de l’exil », « Un aller simple » de José Vieira), organisons des expositions et des concerts (autour de la figure du chanteur José Afonso en 2009 à Auvervilliers), soutenons des chercheurs qui travaillent sur le sujet (Victor Pereira, Marie-Christine Volovitch Tavares, Sonia Ferreira), aidons toutes les initiatives du genre (Numéro de la revue Migrance de l’association Génériques sur le 25 avril en 2014, Concert hommage à José Afonso au théâtre de la ville en 2010, colloques divers et variés) et organisons des événements uniquement sur le sujet.
La création d’un fonds d’archives par nos soins à la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC), liée au Musée d’Histoire Contemporaine, nous amène à collecter énormément de documents d’archives sur le sujet et à mener une campagne d’entretiens audiovisuels sur la désertion de la guerre coloniale portugaise. Nous avons à ce jour signé une convention dans ce sens avec la BDIC et l’Université Paris-Ouest La Défense et dépassé la douzaine d’entretiens audiovisuels.
Dans la même logique, nous avons organisé le 25 avril 2015, un événement appelé « hommage au déserteur ». Nous avons programmé au cinéma La Clef un film sur un chanteur portugais engagé, déserteur de la guerre coloniale et exilé à Paris («Mudar de vida. José Mario Branco, vida e obra » de Pedro Fidalgo et Nelson Guerreiro). Le public a pu débattre avec nous et avec un des réalisateurs. Le lendemain, nous poursuivions la réflexion avec une projection d’un court-métrage (« Un aller simple » de José Vieira) et une discussion avec son protagoniste Antonio Oneto, un déserteur portugais immigré en France. Enfin, le public a pu participer à un débat avec l’historien Victor Pereira, un déserteur et Vasco Martins, un animateur des comités de soutien aux déserteurs à Paris.
L’AEP 61-74 (Associação dos exilados politicos 1961-1974) est une association portugaise crée en 2005 afin d’écrire, éditer et diffuser un livre de témoignages d’anciens exilés (déserteurs, insoumis, soutiens, militants contre la guerre coloniale…) : “Exílios – Testemunhos de exilados e desertores na Europa (1961-1974)”. C’est la première initiative du genre et elle a eu un écho important dans la société et la presse portugaise. Nous avons choisi de diffuser le livre en France, pour l’instant uniquement disponible en portugais. Une après-midi consacrée au lancement du livre s’est donc tenue dans le café culturel Lusofolie’s en mai 2016. Il y eût d’abord une présentation du livre par les deux associations, l’historien Victor Pereira et l’anthropologue Sonia Ferreira. Nous avons ensuite projeté le film « Le printemps de l’exil » de José Vieira, suivi d’un débat avec le réalisateur. Enfin, des chanteurs engagés portugais et français, d’hier et d’aujourd’hui ont joués ensemble pour le plaisir du public, une manière de faire également ressurgir la mémoire culturelle de cette époque.
Aujourd’hui l’AEP 61-74 travaille à faire traduire le premier « livre des exils » en français et recueille des témoignages pour en constituer un deuxième. L’association Mémoire Vive/Memória Viva continue sa campagne d’entretiens audiovisuels et d’archives. Ensemble, les deux associations collaborent pleinement à construire l’exposition « Refuser la guerre coloniale ».
De plus, notre association est en lien étroit avec tous les chercheurs, français, portugais ou autres qui étudient cette thématique (un certain nombre en fait même partie). Ceux-ci participeront pleinement à l’élaboration de cette exposition et des événements attenants. Nous pouvons ainsi compter sur la collaboration de nombreux chercheurs comme par exemple :
Des historiens
– Marie-Christine Volovitch Tavares (Professeure retraitée, Vice-présidente du Centre d’études et de recherches sur les migrations ibériques)
– Victor Pereira (Maître de conférences à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour)
– Miguel Cardina (chercheur au Centro de estudos sociais, Coimbra)
– Rui Bebiano (professeur d’Histoire contemporaine, chercheur au Centre d’études sociales et directeur du Centre de documentation 25 avril à Coimbra)
Des sociologues
– Albano Cordeiro (spécialiste des questions identitaires et migratoires)
– Inês Espírito Santo (Post-doctorante de l’ISCTE/CIES, docteur de l’EHESS, Observatoire de l’émigration de Lisbonne)
Des anthropologues
Sónia Ferreira (Urmis de l’Université Paris Diderot, Fcsh de l’université neuve de Lisbonne).